Le vieil Erwin aimait à proposer sa carcasse à la caresse du soleil d'octobre, aux rayons encore généreux malgré quelques filaments argentés, chevelures paresseuses dans le ciel, annonciatrices des nuages lourds qui ne manqueraient pas de venir gâter les vendanges.
Le tilleul centenaire déployait sa ramure au-dessus du banc de bois aux accoudoirs de fonte peints et repeints en gris maladroit par des générations de cantonniers. Alors que l'angélus de midi tintait à deux pas de là, un peu en contrebas, le soleil bas parvenait à tromper le feuillage, à se glisser dessous, et à évaporer le givre de la nuit en volutes nacrées dans l'air calme. Erwin soupira et leva la tête comme pour prendre le ciel à témoin de ses réflexions, scrutant l'azur dans lequel les âmes ayant accumulé ici-bas de forts et bons mérites sont censées exercer leur bienveillante autorité sur le monde des mortels.
Amusant, pensa Erwin, comme le fonds de croyances de l'humanité peut recéler de vérités ! L'important est de savoir démêler ce qui n'est que chimères, conçues dans le but d'inspirer des comportements bienséants, de ce qui est fondé. Et dans ce cas précis, Erwin savait. Il ne croyait pas, il savait.