Explication du genre littéraire « Horreur moderne » par le sitehttp://www.pochesf.com/
L'horreur moderne remonte littérairement des romans gothiques qu'on nomme d'ailleurs aux USA "urban gothic" ou "urban horror stories". Ils se distinguent des récits fantastiques en ce que l'essentiel passe par la représentation des actions et non par la suggestion. Ils mettent en place des personnages dans un univers d'un quotidien sordide au lieu des châteaux situés dans des paysages grandioses. On y présente simplement des conduites pulsionnelles qui apparaissent comme monstrueuses, par rapport à une norme sociale intériorisée par des personnages-témoins et par le lecteur. Les textes d'horreur d'aujourd'hui, mettent en présence du lecteur, la représentation de la violence pure, semblable à celle que les premiers hommes ressentaient devant la violence du vent, du tonnerre ou des volcans. Cette violence pulsionnelle qui est peint dans ces textes est sanglante, folle et incontrôlée - comme celle qui habite Carrie, dans le premier roman à succès de Stephen King. Ce n'est plus une violence des éléments, c'est une violence sociale et psychique qui renvoie à une douleur incontrôlable et jaillissante comme surgie de "nulle part".
Faisant série àCathyash — Felis silvestris lybica. ; Cathyash et Warrah — Canis antarcticus., vous apportera une approche de la lumière toujours présente dans les ténèbres. Est-ce que la lumière des ténèbres est la même que celle du jour ?
Celle qui se nomme L’amitié !
Ce qu’une telle entente apportera au climat de mes récits de cette horreur moderne, ne se verra peut-être qu’en les suites que j’ai prévues.
Pour l’instant, dans cette NovellaMia, faites connaissance avec un visage… de la vie de Cathyash — somme toute humaine, avec une vie… normale.
Depuis Kairouan, la route s'était étirée dans la chaleur poussiéreuse. Le paysage n'était pas très varié, mais au moins n'y voyait-on pas d'éoliennes, ni de panneaux publicitaires, ni de signalisations intempestives. Hier, à l'aéroport de Tunis, les interminables formalités de douane, pour prendre possession de sa Land Rover acheminée par bateau dans un container plombé, avaient obligé Gilbert à faire halte à Kairouan, où il avait eu la chance de trouver une chambre à la kasbah.
Ce soir, au volant de la Land, la carte de Djerba dépliée sur les genoux, il roule tranquillement dans le crépuscule, au milieu de la route afin d'éviter plus sûrement les piétons, les vélos, les ânes et autres utilisateurs du bitume, — bien plus pratique que les accotements ou les trottoirs encombrés de végétation. Sous cette latitude, la nuit survient sans prévenir, il se demande s'il va trouver sa destination avant l'obscurité. Il lui semble apercevoir devant lui, sur la gauche, la blancheur bosselée d'une très ancienne mosquée qui doit être Fadhloun. Il s'arrête pour vérifier. Pour une fois, le GPS américain et le Galileo européen sont d'accord, à quelques mètres près : c'est bien Fadhloun, il faut maintenant prendre la piste de sable à droite en direction d'Ouled Amor.
Dans les phares, les bordures apparaissent comme un interminable dépotoir où voisinent des carcasses de vélos, des pneus de voiture, des frigos et des tas de saletés que Gilbert ne cherche pas à identifier. Des sachets de plastique bleu, donnés par les commerçants pour emballer les achats, se sont fichés par dizaines dans les branches des oliviers et les épines des figuiers de Barbarie.
Pauvres Tunisiens ! soliloque Gilbert. Malgré leur amabilité proverbiale et leurs efforts pour attirer le visiteur, ils ne sont pas près de voir débarquer des charters de gens fortunés. Seuls des touristes encore plus pauvres que les Tunisiens bénéficient de l'heureuse aptitude à ne voir que ce qu'ils sont venus chercher : le soleil, la vie bon marché, le tout se parant d'un exotisme bon enfant.
Gilbert, un peu perdu, essaie de repérer sa destination parmi les maisons blanches disposées sans ordre apparent au milieu des rares palmiers et oliviers qui surgissent au petit bonheur de la terre ocre. Les chiens et les coqs s'acharnent à tuer le silence de la campagne. C'est alors que, penché sur sa carte, Gilbert perçoit derrière lui un bruit de vélomoteur qui se rapproche à vive allure. Le conducteur freine à sa hauteur, poudroyant du sable rouge de la piste.
- Tu cherches quelque chose ? interroge le jeune homme, souriant, cheveux au vent. Toujours leur manie du tutoiement ! Il est vrai que le vouvoiement n'existe pas en arabe, sauf à user des formules pompeuses. Pourtant ils apprennent le français à l'école !
- Oui, bonjour, je cherche la maison du professeur Kamel Taaleb.
- Bienvenue ! C'est mon père. Tu peux me suivre, je rentre justement chez moi.
Gilbert regagne la piste et suit à distance raisonnable le jeune casse-cou qui roule à toute allure sans casque, sans éclairage, sans peur. Le vélomoteur tourne à gauche, frôlant les figuiers de Barbarie qui forment la clôture naturelle de la propriété. La Land s'engage à sa suite et stoppe devant un groupe de constructions dispersées à l'écart de la piste. Deux chiens arrivent en jappant frénétiquement, le fils de la maison doit les calmer pour que Gilbert puisse sortir de voiture sans avoir à parlementer avec les molosses. Sur le seuil de la bâtisse la plus imposante vient d'apparaître, attiré par le vacarme, un homme revêtu du manteau noir traditionnel. Il se dirige vers Gilbert les bras ouverts.
- Professeur Saignac ! Avez-vous fait bon voyage ? Je commençais à m'inquiéter !
Pedro hisse lentement la fourgonnette hors d'âge sur la pente qui mène à Saint-Vincent-des-Barres. Les virages en épingle l'obligent à rétrograder en première, ce qui n'est pas du goût de l'antique boîte de vitesses, qui craque comme si elle allait abandonner ses pignons sur la route.
- Arrête-toi, crie soudain Karim, qui scrute le paysage bosselé de chaleur depuis le siège du passager.
- T'es fou ? J'arriverai jamais à repartir.
- À deux cents mètres juste devant, y'a un replat, t'as qu'à te garer là.
- T'as vu quelque chose ? interroge Pedro bien qu'il connaisse la réponse. Le flair de Karim est infaillible pour détecter un déchet dont l'utilité n'est, au premier abord, apparente que pour lui.
- Là en dessous, dans le ravin, une cuisinière à gaz
- Ah, les salopards, il faut qu'ils se débarrassent de leurs merdes dans la nature, ni vu ni connu. Des porcs, c'est que des porcs. Mais dis donc, tu vas pas nous charger cette saloperie, la camionnette est déjà pleine à ras bord.
- T'inquiète pas, dit Karim en souriant, je vais prendre juste les brûleurs, le thermostat et deux ou trois bricoles. J'en ai pas pour longtemps.
- Ouais, fais vite, on est en plein soleil et la viande va pas aimer.
- C'est comme si j'étais déjà de retour, assure Karim en s'emparant de sa trousse à outils et en bondissant hors du véhicule pour dévaler le remblai pierreux qui mène en contrebas.
Pedro, resté au volant, en profite pour tenir les comptes du jour sur son petit carnet.
Voyons... Cent quatre-vingt-trois kilos d'abricots — ils prétendaient qu'il y en avait deux cents, les voleurs, heureusement qu'on se sert de notre balance romaine, pas de leur peson à la gomme —, cinquante-six kilos de rôti de porc, trois cents bouteilles de Corbières... ah, et les couches pour bébé, c'est ça qui tient toute la place, cent dix-huit paquets, quatre cents yaourts — beurk — et enfin deux cent vingt et un paquets de biscuits, c'est tout ce qu'ils avaient. Bon, ça nous fait...
- Et voilà, annonce Karim les mains pleines de cambouis et de pièces récupérées, on peut y aller, Pedro.
C'est en fumant tout son saoul que l'increvable Kombi VW arrive à L'Adaouste, la demeure de Jeanne, le « fief historique » comme certains l'appellent, le « repaire » selon d'autres, ou encore « les six fesses » comme dit Karim.
Jeanne et Yves avaient, voici une trentaine d'années, acquis cette ferme en ruines alors qu'ils prenaient leurs vacances en Ardèche, non loin de Privas. Les années soixante-dix, qui avaient vu un immense élan, principalement parmi les gens aisés, vers un « retour à la nature », n'avaient pas manqué de contaminer le couple. Le précédent de 1938, catalysé par les élucubrations de quelques intellectuels comme Jean Giono (« Que ma joie demeure », tu parles ! Fais ce que je dis, pas ce que je fais...) n'avait semble-t-il pas servi de leçon à la génération suivante.
« Je crée ! » Nous sommes à des années du « Je pense donc je suis » de ce cher Descartes, cependant, nous en sommes déjà bien plus loin. De tous les accomplissements de l’humain, c’est indubitablement celui-ci le plus grand, l’inégalable, l’insurmontable. Un pouvoir dont il nous est impossible de réaliser l’étendue sur le moment, simples braillards babillant et trébuchant que nous sommes. La fierté que nous ressentons en est encore sous-estimée. « Ceci je le crée, ceci vient de moi, et de personne d’autre. Ceci m’appartient, ceci devient aussi libre que moi, et je l’offre au monde à chaque trait apposé d’un doigté peu assuré sur le papier». Le pouvoir de création, de communication, de faire croire et de faire ressentir. Dans cette dimension plate et blanche, nous sommes les dieux tout puissants. Peu parviennent à se rendre compte de l’immense pouvoir qu’on leur a donné, et peut-être que c’est tant mieux. Il y a du pouvoir qui n’a pas sa place entre n’importe quelles mains.
C’est précisément où je veux en venir. Mon amour de l’écriture m’a amené à ma passion pour les livres. Ces objets auparavant lourds, encombrants, fragiles, inutiles, sont devenus en ces instants autant de fenêtres sur autant d’univers complètement différents. Chacun contenait en lui une histoire – courte ou longue, vague ou détaillée, aucune importance – quelque chose qui n’existait pas, et pourtant vivait là quand même. Le paradoxe du rêve qui n’existe pas mais dont les souvenirs persistent tout de même. Est-ce alors réel ? L’a-t-on vécu ? Et qui pourrait prétendre affirmer le contraire ?
Des considérations qui ne m’effleuraient pas l’esprit quand j’étais absorbé par L’Odyssée d’Homère, La Fille du Capitaine de Pouchkine, ou Le Monde Perdu de Michael Crichton. La vie était insufflée dans la mythologie grecque, les cosaques des steppes et les dinosaures ressuscités. Je n’arrivais pas à me poser la question de savoir si cela s’était réellement passé ou non. C’était dans un livre, c’était donc, selon ma propre vision, fictif. Je crois que c’est pour cela que je n’ai jamais apprécié les récits biographiques et trop contemporains. Ce n’est pas assez faux pour moi, même si c’est indubitablement romancé – quant aux livres d’Histoire, c’est autrement différent ; le passé doit être archivé pour le futur, c’est notre grande narration.